C’est avec tristesse que j’ai appris le décès du Dr AHYI. Je l’avais rencontré pour la première fois au début des années 2000 lors des premières journées d’études et de formation en santé mentale qu’il avait créé en partenariat avec l’AHSM (Association Humanitaire en Santé Mentale) de Cambo les Bains, présidée par Gisèle Auckenthaler et auxquelles j’ai participé pendant une quinzaine d’années alors qu’il avait passé la main à une génération de psychiatres qu’il avait formés. Ces journées étaient orientées sur la thématique « soins et culture », c’était un plateau d’échanges entre les psychiatres béninois, ceux venant de quelques pays africains (Sénégal, Togo, Centre Afrique, Cameroun…) et des spécialistes venant d’Europe. Le Centre Minkowska a très vite intégré le comité d’organisation de ces formations.
Ces journées étaient toujours suivies d’une immersion culturelle dans ce pays, berceau du vaudou. Et je me souviens avoir été à ses côtés avec quelques collègues lors d’une cérémonie de revenants (« les morts ne sont pas morts ») dans sa maison familiale, la cérémonie ou des jumeaux de sa famille sont apparus, a duré une journée entière en présence de tous les habitants de son village. Un moment très impressionnant pour notre regard dubitatif occidental ; j’ai souvent pensé que bien des anthropologues auraient envié notre place.
Responsable de la psychiatrie au Bénin, il est un des premiers psychiatres formés par Henri Collomb à l’hôpital Fann de Dakar et le premier agrégé du Bénin.
Très respectueux des croyances de ses patients, il a intégré à sa formation occidentale les approches traditionnelles et aussi les familles dans la prise en charge des malades mentaux.
Ainsi en 2003 avec le réalisateur Jean-Claude Hellequin, un film a été tourné dans le village psychiatrique d’une guérisseuse, Agbohoué, « spécialisée » uniquement dans les soins aux malades mentaux.
Dans ce film intitulé « Paroles de psy magie de guérisseur en pays vaudou » on voit le Dr Ahyi au côté de cette guérisseuse avec laquelle il avait des patients communs, situant les actes de cette dernière dans le processus thérapeutique et le contexte culturel. En 2006, ce film a reçu le prix Minkowska au festival psy de Lorquin pour « son regard curieux sur la représentation culturelle de la maladie mentale et la complémentarité des approches ». Lors d’un de mes séjours au Bénin j’ai passé une journée dans ce village avec Agbohoué.
En 2009 il était présent aux 6èmes rencontres francopsies de Alfapsy à Dakar ou le film a été projeté suivi d’un débat auquel il m’a demandé de participer avec lui.
Il s’intéressait à notre association et à son approche humaniste et transculturelle et avait proposé à Paul Lacaze que des francopsies soient organisées au Bénin, ce qui ne s’est malheureusement jamais fait.
Très humain, empathique, proche de ses patients et à l’écoute de leurs pratiques traditionnelles, il fut aussi un grand patriote pour son pays, où il a été député.
Au nom de Alfapsy International, nous adressons à sa famille, ses proches et ses collègues nos très sincères condoléances.
Marie-Jo Bourdin
Présidente Alfapsy International
