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Sensualité et chasteté dans le soin : une question éthique

Le soin psychique provoque, fréquemment, la rencontre avec des patients de tout âge qui ont eu à subir différents types d’abus. Les conséquences de ces abus vont provoquer des conditions de faiblesse qui seront souvent présentes dans ce que le patient transfère affectivement sur son thérapeute et dans ce que le thérapeute va ressentir en écho. Cette vulnérabilité peut être propice, de la part de thérapeutes pervers, à des abus qui sont une catastrophe pour les malades. Des situations néfastes peuvent aussi exister pour des thérapeutes fragilisés qui sont déstabilisés par ce qu’ils éprouvent ou parfois victimes de patients qui pervertissent le soin. 

Il convient d’être attentif à la sensualité et aux sentiments qui restent présents chez tout soignant et qui peuvent déborder, à tout moment, au cours d’une thérapie psychique. Parler de sensualité dans le soin pourrait faire entendre que les débordements seraient la conséquence souhaitée d’une grande ébullition libidinale sensuelle mal maitrisée. Réduire la sensualité à ce seul aspect est très réducteur. La sensualité est riche et ne se limite pas à des intentions, des objectifs sexuels. La sensualité est comme une chose naturelle qui suit les lois ordinaires de la Nature (Spinoza). Elle se ressent et ne juge pas entre ce qui serait bon ou mauvais. Elle est d’une nature différente qui échappe à la compétence du seul raisonnement, qui sollicite de notre être toute sa capacité à ressentir, à éprouver, à s’émouvoir,…, (Cheng)

Une vigilante attention à sa sensualité reste une dimension importante à garder, présente, dans une thérapie. Il est nécessaire de rester dans une analyse de ce que nous ressentons et de s’interroger sur ce qui apparait en nous. Un soin bien maitrisé se doit de garder une vigilance sur nos ressentis et de ne pas s’égarer dans des objectifs personnels au détriment du patient. Souvent, une supervision clinique s’avère indispensable.

Pour le soignant, il est important de s’imprégner d’une vertu souvent décriée : la chasteté. D’emblée, nous résistons car la chasteté semble être plus un moyen de coercition que sublimation de l’être. La chasteté serait plus réservée à quelques illuminés qu’à des psychiatres aguerris qui défendent l’épanouissement de l’être plutôt qu’une chasteté qui sent le Moyen Age, les croisades, les couvents et l’Église triomphante du 19ème siècle en France. Bref, personne n’est prêt à s’emparer d’une telle vertu. Pour autant, la chasteté du soignant signifie-t-elle le dénuement le plus complet en matière de désirs, sensualité et de plaisir ? C’est vrai que la chasteté ne fait pas très glamour et risquerait de nous pousser à l’abstinence et à la castration, pour mieux soigner ! La chasteté serait-elle victime de l’abstinence et devrait-elle alors dénoncer toute satisfaction ? Pour le médecin, le soin peut-il être une source de satisfaction et de plaisir alors qu’il doit être chaste ? Existe-t-il une place pour une chasteté sensuelle ? 

La chasteté et la sensualité semblent provoquer une levée de bouclier pour des valeurs, apparemment totalement opposées : la chasteté castratrice et la sensualité comme une bombe sexuelle jouissive et impudique.

Il est utile de reconnaitre les sentiments qui s’éveillent en nous, soignants, pour mieux rester dans le respect du patient. Notre sensualité existe et peut parfois venir bousculer les vertus nécessaires dans le soin et dans notre devoir de ne pas s’immiscer dans la vie sentimentale et sexuelle de nos patients pour des satisfactions personnelles ou induites. Cette dialectique entre chasteté et tentation d’abus nécessite une réflexion éthique dans le soin que nous aborderons lors de notre symposium Alfapsy du congrès WADP/MADP, du 16 avril au 20 avril 2024 à Marrakech (Maroc) et lors de nos 11emes .Rencontres Francopsies à Sousse, 

Docteur Michel Jurus Président Alfapsy International France

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