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Retour sur le Sommet francophone d’arthérapie

Du 21 au 24 avril 2023 à Montréal – Par Alice Albertini

Arthérapie et Traumatisme Psychique – Intervention conjointe de Monica Di Rocco, arthérapeute en Italie et membre du Comité International d’Alfapsy, et Paul Lacaze, neuropsychiatre, psychanalyste et Président honoraire fondateur d’Alfapsy

À propos des personnes meurtries par leur impasse migratoire l’arthérapie apparaît comme espace de dédramatisation, scène de reprise de subjectivation, support narcissique, miroir de reconnaissance, échelle de réhabilitation, de récupération d’identité, de reformulation d’une histoire personnelle, d’un vécu singulier, enfin de l’humain là où régnait la barbarie et le désordre, la sauvagerie et la cruauté, la famine et la déréliction, là où régnait, en un mot, le psychotrauma et toutes ses variantes, les plus encryptées donc les plus destructrices…!

Serait-il encore nécessaire de se demander en quoi l’arthérapie aurait à voir avec le trauma des migrants ?

C’est qu’il en va des migrants et de leur terrible insécurité de base, passée, présente et même à venir, comme des autochtones lorsqu’ils sont affectés de graves pathologies qui les réduisent à un état d’extrême fragilité et de dépendance.

Or l’art-thérapie, c’est précisément l’art d’utiliser l’Art à des fins de soin : utiliser le graphisme, le dessin, la peinture, le collage, le modelage, la sculpture, toutes les figures plastiques issues de la créativité. Au fond que fait d’autre un enfant avant même de parler ou d’écrire : il dessine, patauge, malaxe, découpe, autant de gestes plus ou moins aboutis, en recherche non pas de beauté esthétique ni de réalisation pragmatique, non mais plutôt une façon d’exprimer ce que le langage non encore formé ne saurait dire avec tant de finesse, de tact, de sensibilité. C’est un « montré » qui dit sans dire, comme une métaphore du langage. Chez l’enfant, l’infans (le terme serait plus approprié), l’imaginaire domine la pensée et l’emploi du jeu, de la narration, de l’expression plastique constitue l’établi sur lequel se réparent toutes les incompréhensions, les inquiétudes et les déchirements vécus dans leur brutalité infra langagière. On retrouve, dès les premières communautés sociales préhistoriques, ce même besoin d’exprimer par l’art (dit « brut ») ce qui est perçu comme dangereux, étrangement inquiétant. Ces peintures rupestres retrouvées à Lascaux ou ailleurs, ces troublantes représentations du monde environnant laissées à tout jamais par les fameux « hommes des cavernes » tel les néanderthaliens, ne nous rappellent-elles pas nos dessins d’enfants et leur magie apaisante ? Ce serait comme si la représentation tenait lieu de forteresse contre les dangers ou de déclaration de victoire sur la peur.  

Et les migrants, recroquevillés dans leur douleur, leur solitude, leur faim, retrouvent avec « l’art brut » de leur produit imaginatif, le goût et la chaleur de la vie qu’ils avaient aimée au sein maternel mais qu’ils avaient ensuite perdue puis haïe et fuie sous les coups de la guerre ou de la barbarie. L’accompagnement par l’art prend ici toute sa dimension humaine puisqu’il ne s’agit pas seulement d’un passage obligé de l’enfance au cours de son évolution psychoaffective ni d’une technique appliquée dans une indication médicale pour personne malade. Il s’agit ici tout simplement d’une main tendue, et quelle main, celle de l’homme pour l’homme. Il s’agit ici de l’éthique au sens grave du mot ! Car au fond, comment se passent les choses ?

Quand les chemins de la demande  de reconnaissance des migrants croisent ceux de l’offre en arthérapie, un véritable espace relationnel s’ouvre dans lequel la parole du sujet se libère  au décours ou à partir des gestes de son élaboration plasticienne, une parole accueillie – comme exposée – sur le registre de l’écoute de l’art-thérapeute jusqu’à la constitution progressive, la réalisation achevée de son œuvre venue de nulle part! en réalité, une œuvre qui porte en elle toutes les douleurs du monde, tous les espoirs plus ou moins naïfs, tous les rires de la joie retrouvée…Alors, finie la stigmatisation, courage, la route sera encore longue mais on ne sera plus seul.

Il en est de même quand on exerce la psychiatrie de Cabinet privé. C’est une pratique de proximité, de premier recours en quelque sorte, en ce qu’elle accueille principalement des demandes de soins des patients hors contrainte autoritaire. Ce qui, une fois la confiance établie, crée une relation intersubjective entre soignant et soigné, relation qualifiée de psychothérapie grâce à son caractère psychodynamique que les psychanalystes nomment communément relation transférentielle ou, mieux, « espace transférentiel ». Dans l’espace symbolique ainsi créé le patient peut déployer ses replis intimes à la découverte de soi. Par ce processus de subjectivation, de reconnaissance de Sujet (ou de Personne pour reprendre la terminologie anglo-saxonne) le patient devient porteur de sa propre histoire individuelle et familiale, pris dans son propre environnement social et culturel. Or cette reconnaissance de Sujet est indispensable au patient pour tenter de restaurer son image sociale, autrement dit pour éviter qu’il éprouve le sentiment d’une stigmatisation liée à sa souffrance psychique.

C’est également le but du travail réalisé en arthérapie.

https://www.art-therapie.online/

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